Le lundi 18 novembre 2024, dans la salle des fêtes de la mairie à Belvaux, une soirée thématique a été organisée pour clore l’Année de l’environnement de la Commune de Sanem. L’objectif était de porter un regard critique sur les préjugés entourant l’électromobilité, en abordant le sujet selon trois perspectives différentes. Nous avons sélectionné (puis synthétisé) les déclarations les plus marquantes.
Voici l’audio intégral de la conférence (en langue luxembourgeoise) :
Marvin Rassel travaille chez SWIO, une entreprise qui propose des solutions complètes pour les infrastructures de recharge destinées aux particulier·ère·s et aux professionnel·le·s. Dans le cadre d’une joint venture, ils·elles se sont engagé·e·s à construire 1 000 nouvelles stations de recharge publiques.
Déclaration 1 :
« C’est l’argument qu’on entend souvent : notre réseau ne tiendrait pas le coup. Pourtant, au Luxembourg, nous avons la chance de pouvoir compter sur des gestionnaires de réseau qui anticipent l’avenir. Un exemple intéressant est le projet Living Lab de Creos : dans un quartier expérimental, on simule des maisons idéales équipées de bornes de recharge pour véhicules électriques, de pompes à chaleur, de batteries et de panneaux photovoltaïques. L’idée est de voir comment notre réseau réagirait si nous n’avions plus que ce type de maison et quelles améliorations ou extensions seraient nécessaires pour tout faire fonctionner.
Bien sûr, si toute la population passait subitement à la voiture électrique du jour au lendemain, certaines zones pourraient être sous tension. Mais c’est un scénario peu probable : la transition sera progressive. Par ailleurs, des solutions de smart charging (recharge intelligente) peuvent grandement contribuer à mieux répartir la demande. D’un point de vue financier, il ne serait pas rentable—ni pour le gestionnaire de réseau ni pour personne—de surdimensionner immédiatement l’ensemble du réseau pour un usage potentiel dans un futur proche. Les extensions se feront étape par étape, et il existe aussi des réglementations européennes en la matière. »
Déclaration 2 :
« Pour la recharge sur borne AC (la recharge lente), la prise de type 2 s’est imposée comme standard. Quant à la recharge rapide, c’est la norme CCS qui prévaut. Cela simplifie déjà beaucoup les choses. Outre l’autonomie de la batterie, la connectivité des véhicules (Car Connect) devient un argument de vente majeur. Demain, les gens se soucieront moins du nombre de chevaux sous le capot que des fonctionnalités connectées. Cela dit, on ne parle pas assez de la pertinence même de la voiture électrique : il faut sensibiliser le public. Pouvoir rouler avec des énergies renouvelables, c’est extrêmement pratique. Les attentes autour d’un déploiement massif étaient sans doute trop optimistes, mais la demande finira par venir. »
Déclaration 3 :
« Chaque année, nous réalisons entre 300 et 400 installations de bornes, principalement dans des maisons individuelles. Je ne crois pas que nous ayons jamais eu un refus pour une borne. Il faut toujours soumettre une demande au gestionnaire de réseau. Les résidences sont un peu plus complexes. Nous devons alors vérifier auprès de l’opérateur la capacité restante, car elles n’ont pas forcément été conçues pour l’électromobilité. Si une résidence comprend par exemple 10 logements, il n’est pas possible que chacun bénéficie de 11 kW simultanément. Nous nous appuyons alors sur des systèmes de load management et de smart charging.
À l’avenir, les batteries deviendront probablement des tampons intermédiaires. Le flux énergétique sera géré et optimisé. Dans une résidence équipée de panneaux photovoltaïques, un système de gestion peut par exemple charger les batteries lorsqu’il y a un pic de production solaire. Tout le monde n’a pas besoin de recharger au même moment : sur une nuit qui peut durer jusqu’à douze heures, on peut facilement répartir la recharge de manière à ce que chacun récupère une batterie pleine au matin. »
Docteur en génie mécanique depuis 2022, Jeff Mangers s’est spécialisé dans l’analyse des processus en fin de vie et dans l’économie circulaire.
Déclaration 1 :
« Le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology) propose un outil de simulation très intéressant (cliquez !). On peut sélectionner un modèle de voiture et en comparer deux—par exemple un modèle thermique et un modèle électrique—puis indiquer son kilométrage annuel moyen. L’outil montre alors à partir de quand le véhicule électrique devient plus vertueux en termes d’émissions de CO₂. Est-ce que ça vaut le coup si je roule seulement 5 000 km par an ? »
Déclaration 2 :
« Plus on met de batteries sur le marché, plus on doit veiller à leur seconde vie. J’ai récemment cofondé une start-up issue de l’université, CRAB Traceability Systems, où nous nous demandons comment concevoir la batterie pour pouvoir la récupérer en fin de vie : peut-on la démonter ? La recycler ? L’économie circulaire vise à investir de l’énergie et de l’argent dans un produit afin de créer de la valeur, pour ensuite l’utiliser aussi longtemps que possible. Une voiture électrique finit un jour ou l’autre par être recyclée ou démantelée. Peut-on accéder à la batterie ? La décharger avant démontage ? Que fait-on ensuite des différents composants ? C’est sur ce type de questions que nous nous focalisons.
Nous avons développé un outil (cliquer !) permettant de concevoir virtuellement un produit comme une batterie, puis de tester s’il est bien ou mal pensé en termes de démontage et de recyclage. Une entreprise comme Circu Li-ion (start-up d’upcycling de batteries basée à Foetz) peut-elle la démonter facilement ? Le prix compte, mais aussi le nombre de composants et la sécurité. Chaque batterie qu’on n’a pas besoin de fabriquer à neuf, c’est une économie de ressources. La standardisation serait cruciale, mais les constructeurs ne sont pas vraiment enclins à nous faciliter la tâche. »
Déclaration 3 :
« Dans le photovoltaïque, nous voyons déjà la première vague majeure d’installations en fin de vie. D’ici 2030, on estime qu’en Europe, quelque 100 000 tonnes de batteries de véhicules électriques arriveront en fin de cycle. Il faudra des infrastructures pour traiter tout ça. Et c’est une vraie opportunité pour l’Europe : ces ressources resteront disponibles localement, ce qui nous rendra plus autonomes. Tout cela s’inscrit dans la logique d’une production d’énergie propre sur notre propre territoire. »
Militant actif depuis les années 80 dans le domaine de la durabilité, Lucien Reger conduit des voitures électriques depuis six ans. À la fois père de famille et entrepreneur, il parcourt souvent de longues distances et partage donc son expérience concrète.
Déclaration 1 :
« Quand on parle de durabilité, il faut regarder l’impact global. Si l’on inclut, par exemple, le transport maritime du pétrole brut depuis le pays producteur jusqu’ici, la comparaison change radicalement et un véhicule électrique peut devenir plus avantageux d’un point de vue écologique plus tôt qu’on ne le croit. La voiture électrique ne provoque pas non plus de smog dans les grandes villes. Et puis c’est le seul moyen de transport qui puisse être alimenté—du moins en théorie—par le vent, le soleil ou toute autre énergie renouvelable. Au-delà de l’aspect écologique, la conduite électrique offre d’autres atouts : c’est incroyablement silencieux, la sensation est géniale, notamment à l’accélération, et les coûts d’entretien sont quasi inexistants. »
Déclaration 2 :
« Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas installer de borne chez moi. Ma voiture a une autonomie de 449 km et celle de ma femme 250 km. Nous rechargeons uniquement sur une prise domestique ordinaire, et pas nécessairement toutes les nuits. Cette prise est équipée d’une protection contre la surchauffe. Il faut faire attention à installer une prise adaptée à un usage prolongé afin de garantir la sécurité. »
Déclaration 3 :
« Notre plus long voyage en électrique nous a menés jusqu’à Varsovie, soit environ 1 600 km. Cela s’est passe très bien. Même dans les pays d’Europe de l’Est, le réseau de bornes est déjà très développé. Il est toutefois vivement recommandé d’utiliser une application pour localiser les stations de recharge. Il y en a plusieurs, et il vaut mieux ne pas dépendre d’une seule plateforme. En Allemagne et en Autriche, il existe par exemple des bornes ENBW : vous créez un compte une fois, et par la suite, votre voiture est automatiquement reconnue lorsqu’on branche le câble pour charger. »