« C’est ma toute première interview », confie Patrick Brandenburger, un sourire nerveux aux lèvres. « Je préfère être derrière l’objectif. Lors des expositions, tu es jugé par d’autres, et ce n’est pas vraiment mon truc. Je prends des photos pour moi, et si elles plaisent à quelqu’un – tant mieux. » Pourquoi organise-t-il quand même des vernissages et des expositions de temps en temps ? « C’est simple, j’aime être entouré de gens. » Né à Ehlerange, il a passé toute son enfance et sa jeunesse dans la commune, où il réside toujours. « Je vis désormais à Belvaux, mais je ne veux jamais partir d’ici. C’est ici que vivent mes amis, mon entourage. Je me sens vraiment bien ici. » Il éclate de rire. « Et j’adore aller au Chaplin ! »
Son conseil secret : visitez les lieux où des films ou des séries ont été tournés. « J’étais sur un site où ils ont filmé Game of Thrones, et on peut le voir sur l’une de mes photos », raconte-t-il fièrement. « J’ai aussi visité le quai d’où le Titanic est parti. » Lors d’événements ou de voyages, il a souvent l’occasion de capturer des personnalités et des situations intéressantes à travers son objectif. « À Cuba, je me suis promené dans les rues avec mon appareil photo, j’ai rencontré les habitants et je les ai photographiés. Ils n’ont rien et sont marqués par la pauvreté. Cela montre que le communisme n’est pas non plus la solution. »
Les photographies de Patrick véhiculent un message politique : chaque image doit porter un sens et déclencher des émotions. « C’est l’art. Cependant, je n’y parviens pas toujours », confie Patrick. Il est un grand adepte du « moment décisif ». « Mon idole est Henri Cartier-Bresson, qui maîtrisait cet art à la perfection. » Il s’agit de saisir le moment idéal. « Étant donné que j’ai commencé avec la photographie analogique, j’ai appris à le faire. Je suis en réalité une personne très nerveuse et impatiente, mais dans la photographie, c’est différent. Là, je me détends et je peux me déconnecter. »
« Je vis maintenant à Belvaux, mais je ne veux jamais partir d’ici. Mes amis, mon entourage sont ici. Je m’y sens extrêmement bien. » – Patrick Brandenburger
« J’ai deux photos prises dans un camp de concentration », mentionne Patrick au cours de notre conversation. Puis, presque en passant, il ajoute : « J’ai joué dans deux films. » Dans Es war einmal in Deutschland … (Il était une fois en Allemagne) avec l’acteur allemand Moritz Bleibtreu, sorti en 2017, l’intrigue se déroule durant la Seconde Guerre mondiale et aborde la vie des survivant·e·s de l’Holocauste. « Grâce à un ami du milieu, j’ai décroché ce rôle de figurant, et avec ma carrure, c’était parfaitement adapté. Tu te retrouves là, dans ton petit pyjama, transporté dans une autre époque. C’est une sensation très authentique… et terrifiante », se remémore-t-il. « J’ai également eu la chance de réaliser quelques portraits, et c’est ainsi que les photos exposées ont vu le jour. »
« J’ai toujours voulu devenir photographe de guerre », confie Patrick, qui travaille depuis des années à la patinoire de la Kockelscheuer. « Je dis souvent : Je te vends le billet d’entrée, je te donne les patins, et si tu fais des bêtises, je te mets dehors. » Il éclate de rire avant de revenir à son rêve de photographe de guerre. Enfant, il avait, comme il le dit lui-même, l’illusion que c’était le métier qu’il voulait exercer. « Tu penses que c’est ça, le truc. J’ai connu quelqu’un qui a pris une bombe sur la tête et il est parti, en un instant. Là, tu prends conscience de la réalité. » Lorsqu’il a eu l’opportunité de se rendre dans une zone de conflit, la décision a été rapidement prise. « J’ai une amie qui travaille pour Amnesty International, et il m’a été proposé de l’accompagner en Syrie. Aller en prison, accompagner des avocats, interviewer des gens et capturer tout cela visuellement. Mais quand on te dit de te mettre à couvert… non, non, non, c’était trop pour moi. »
Le 1er mai, Patrick a participé à la traditionnelle manifestation à Berlin. « Un ami d’un ami, qui travaille pour le magazine allemand Stern, m’avait suggéré de m’y joindre. Mais ce jour-là, j’étais totalement livré à moi-même, je n’étais pas engagé par Stern », raconte-t-il. On lui avait conseillé de porter un casque. « J’ai d’abord pensé : N’importe quoi ! Mais quand les premières pierres ont commencé à voler, la situation a dégénéré. Je n’ai pas pris de photos – mon instinct de survie a pris le dessus. Là, j’ai compris que je n’étais pas le héros que j’avais toujours voulu être. »
« J’ai eu des professeurs super cool, Monsieur Glauden et Monsieur Tesch. Ils ont vu quelque chose en moi et m’ont donné envie de me lancer dans la photographie. » – Patrick Brandenburger
Il y a un peu plus de quatre ans, Patrick s’est rendu en Irlande du Nord, au cœur de l’IRA, l’Irish Republican Army. « Ils ont un bureau à Derry. J’ai frappé à la porte et demandé si je pouvais prendre des photos. Ils ont dit oui, mais pas d’eux. » L’IRA a tenté pendant des décennies d’obtenir l’indépendance de l’Irlande vis-à-vis du Royaume-Uni par la violence. L’année de son voyage, une journaliste a été tuée par balle. « J’ai découvert plus tard que j’avais rencontré l’un des coupables. Ça m’a donné des frissons. » De ce voyage, Patrick a rapporté une photo intitulée Offene Wunden (Plaies ouvertes). « Ce conflit n’est toujours pas résolu, et c’est ce que je veux montrer à travers mes photos : la réalité telle qu’elle est. »
Si quelqu’un·e souhaite se lancer dans la photographie, Patrick conseille de travailler en mode manuel. « Les gens disent souvent qu’ils veulent apprendre. Ils achètent ensuite le meilleur appareil, qui fait tout automatiquement, mais avec ça, on pourrait aussi utiliser un téléphone. Il est important de s’impliquer et de comprendre les réglages. » Selon lui, il faut apprendre à maîtriser des éléments tels que l’ouverture et la vitesse pour obtenir de bons résultats. Patrick est convaincu de l’importance d’être guidé·e par les bonnes personnes. « J’ai eu des professeurs formidables, M. Glauden et M. Tesch. Ils ont vu quelque chose en moi et ont éveillé mon intérêt pour la photographie. Avec M. Tesch, j’étais le seul, donc je passais toute la journée à la table, mais ce n’était pas un problème. C’était exactement ce que je voulais. »
Autour de 20 ans, Patrick a contribué à la fondation de l’Organisation de la Jeunesse d’Ehlerange (J.O.E). « À l’époque, nous n’avions pas un centime en poche, mais nous avons reçu des subventions de la commune… avec lesquelles nous avons pu aller au Rock am Ring », raconte Patrick avec un grand sourire. Bien sûr, ce n’était pas uniquement pour l’argent. « Nous avons également beaucoup œuvré pour la commune, en participant à toutes les fêtes. De belles amitiés se sont développées. Une fois d’Ehlerange, toujours d’Ehlerange. »